Le rapport : Carrières des administrateurs civils Environnement-Logement Rapport Hélène Bégon octobre 2016
Son annexe (à jour au 6 avril 2018)
Avertissement : le présent rapport reflète exclusivement les travaux, analyses et propositions de son auteur et n’engage en rien les ministères de l’environnement et du logement
RESUMÉ
Les administrateurs civils sont un
corps interministériel de hauts fonctionnaires, géré par les Services du
Premier ministre (direction générale de l'administration et de la fonction
publique (DGAFP)) et issu de l’école nationale d’administration, soit en
formation longue, soit en formation de perfectionnement.
231 administrateurs civils sont, à
la mi-mai 2016, « rattachés en gestion » aux ministères de
l’Environnement et du Logement.
187 administrateurs civils sont, à
la même période, en poste dans ces ministères ou leurs établissements
publics ; parmi eux 12 sont « rattachés en gestion » à un autre
ministère.
Les ministères de l’Environnement
et du Logement sont le 4ème ministère employeur d’administrateurs
civils, juste après les ministères des affaires sociales et loin derrière les
gros bataillons des ministères financiers et du ministère de l’intérieur.
Créés en 1946 en même temps que
l’école nationale d’administration qui a vocation à les former à toutes les
techniques de la gestion publique, les administrateurs civils ont pour vocation
première d’occuper les postes d’encadrement et de management supérieurs et
dirigeants de l’Etat, aux côtés d’autres « corps » de fonctionnaires
occupant, comme eux, un niveau de grade « A+ » ou « A++ » (appellations
courantes dans l’administration mais n’ayant pas d’assise juridique à
l’intérieur de la « catégorie A » qui correspond aux cadres de la
fonction publique).
Occuper les postes d’encadrement
et de management supérieurs et dirigeants de l’Etat, cela signifie être à même
d’occuper tout type de poste et ne pas être spécialisés, voire cantonnés, sur
les fonctions dites « support » (ressources humaines, budget,
juridique, logistique, etc.) mais pouvoir, au contraire, diriger ou piloter des
politiques publiques sur des fonctions en relation directe avec les partenaires
économiques, les citoyens, les acteurs internationaux ou communautaires et
appartenant le cas échéant à un domaine fortement « technique » au
sens des métiers de l’ingénieur.
Les administrateurs civils sont en
effet recrutés et formés pour être à l’interface entre une équipe de travail,
avec toutes ses compétences variées, et la préparation, la formalisation, la
mise en œuvre et l’évaluation de l’action publique de l’Etat.
Pour ces raisons, et aux termes de
l’article 4 du décret n° 2012-32 du 9 janvier 2012 relatif aux
emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l'Etat, 50%
au moins des emplois de sous-directeurs et de chefs de services des administrations
centrales doivent leur être réservés (hors ministères de la Justice et des
Affaires étrangères).
Ainsi, les administrateurs civils
sont le seul corps d’encadrement supérieur et dirigeant de l’Etat à être
spécifiquement recruté et solidement formé pour le management et l’encadrement
dans la sphère publique et parapublique.
Les administrateurs civils des
ministères Environnement – Logement sont confrontés comme les autres cadres
supérieurs et dirigeants de l’administration de l’Etat, depuis la revue
générale des politiques publiques (RGPP) et la réforme de l’administration
territoriale de l’Etat (RéATE), à une raréfaction rapide et non anticipée des
postes qu’ils avaient vocation à occuper.
Tandis que certains métiers,
notamment techniques, disparaissent ou s’amenuisent dans ces deux ministères,
la concurrence s’accentue pour la réalisation d’une carrière de bon niveau et
l’occupation de postes intéressants et utilisant les compétences de cadres
formés pour les occuper. Tandis que, placés dans les organigrammes condensés,
des cadres croulent sous la tâche, d’autres se trouvent sous et mal employés.
Dans le même temps, la priorité
désormais bien ancrée des questions environnementales et climatiques, la montée
en puissance de la démocratie environnementale, les nouveaux équilibres entre
pouvoirs publics, l’entrée du numérique dans tous les domaines des politiques
publiques et toutes les procédures administratives, les exercices budgétaires
restrictifs, renouvèlent la façon dont les fonctionnaires et leurs
administrations doivent envisager le contenu et l’exercice de leurs métiers.
Au vu de ces profondes mutations,
et dans le cadre de travaux plus généraux sur son encadrement supérieur, la
direction des ressources humaines des ministères Environnement – Logement a
souhaité la présente étude pour examiner l’adéquation des compétences des administrateurs
civils de ces deux ministères à leurs missions nouvelles et futures.
CONSTATS
Les principales constatations
tirées des analyses du présent rapport sont les suivantes :
·
A
la mi-mai 2016 :
o
les
administrateurs civils des ministères de l’Environnement et du Logement sont pour
50% occupés dans des fonctions support : 34,76% sont au secrétariat général (notamment
à la direction des ressources humaines et à la direction des affaires
juridiques) et, dans les autres directions d’administration centrale, un petit
quart de leurs postes relèvent de fonctions support, le reste relevant
clairement du portage des politiques publiques
Cette forte présence du corps des administrateurs civils
au secrétariat général pourrait s’expliquer à première vue par la taille
imposante de cette direction. Cependant, une autre mesure montre que si la
moyenne des administrateurs civils sur le total des agents de corps A+ est de
17,05% pour toute l’administration centrale, leur représentation au secrétariat
général est de 41,18% des agents de corps A+, de loin le plus fort écart à la
moyenne
o
les
administrateurs civils pilotent des politiques publiques
« techniques » lorsque les directions générales concernées ont une tradition
d’emploi de ces agents : Direction générale de l’énergie et du climat,
Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, Direction
générale de l'aviation civile
o
les
administrateurs civils en services déconcentrés des ministères
Environnement-Logement (si l’on y rattache les directions départementales des
territoires qui sont formellement des services du Premier ministre) sont 17,
soit 9% des administrateurs civils en poste dans ces ministères, dont 11 dans
des fonctions de direction. 8 sur ces 17 sont en services déconcentrés de l’Ile
de France
o
les
ministères Environnement – Logement sont les ministères d’élection des
ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts : ils y occupent 45,92% des
postes de direction et assimilés d’administration centrale (27,04% pour les
administrateurs civils, 8,16% pour les ingénieurs des mines, etc.), 62,5% des
postes de directeurs généraux (25% pour les ingénieurs des mines, 12,5% pour
les professeurs des universités, 0% pour les administrateurs civils), un
pourcentage très majoritaire pour les emplois de direction de l’administration
territoriale de l’Etat dans les services déconcentrés des ministères
Environnement-Logement et assimilés (DDT)
- Si on observe l’ensemble de leur carrière (et on présume que ce passé observé dans les curriculum vitae représente une situation désormais révolue, du moins si l’on ne prend pas les inflexions utiles), on voit :
o
qu’ils
sont très mobiles et que leurs carrières sont variées : 24% du panel sont
passés par trois ministères ou plus, 17% ont une expérience à l’international,
41% sont passés au niveau territorial, 39% ont fait une expérience dans une
entité n’appartenant pas à l’administration « administrante » ou à
une juridiction administrative (soit : établissement public, entreprise
publique, agence publique, autorité administrative indépendante)
o
que
les principaux champs d’emploi dans les « métiers des ministères
Environnement-Logement » des administrateurs civils sont Habitat – Logement
- Constructions - BTP – Immobilier (26% des agents dont on a étudié le parcours
ont exercé au moins un poste dont ce domaine constitue le contenu central et
majeur), Transports terrestres (21 %), Urbanisme – Aménagement - Politique
de la ville - Planification (18%), Energie - Performance énergétique - Climat »
(12%)
o
qu’ils
sont en revanche en déficit très manifeste dans les champs « Déchets,
économie circulaire, recyclage, analyse du cycle de vie » et
« Prévention ou gestion des risques y compris pollutions et
santé-environnement »
o
qu’il
est rarissime qu’ils n’aient pas occupé de fonctions d’encadrement
o
que
8% d’entre eux ont aussi une formation d’ingénieur.
PROPOSITIONS
1. En absolue
priorité, attaquer de front les problèmes quantitatifs et d’organisation
générale
C’est
tout l’encadrement supérieur et dirigeant qui est touché par la raréfaction des
postes et notamment des emplois fonctionnels (directeur, chef de service,
sous-directeur, expert de haut niveau, directeur de projet, directeur de
l'administration territoriale).
Sans
une gestion déterminée et transparente du déséquilibre quantitatif global, on
ne peut espérer beaucoup d’évolutions positives quant aux tensions numériques
et de positionnement entre les corps d’encadrement supérieur et dirigeant des
ministères Environnement-Logement ; et, par effet de cascade, sur toute la
chaîne des corps statutaires et tout le mouvement des mutations.
Les
ministères Environnement-Logement (comme les autres ministères) auraient
intérêt à :
§
traiter les déséquilibres nombre
d’agents A+ disponibles / nombre de postes A+ disponibles, en utilisant à plein
toutes les compétences disponibles avec volontarisme : organisation de
missions ayant un statut valorisé et non d’attente, création de nouveaux
emplois fonctionnels d’expert de haut niveau et de directeur de projet,
création d’équipes d’appui constituées « d’anciens » aux nouveaux
encadrants ou dédiées à la résolution de situations de GRH ou de management
conflictuelles, ré-élargissement des organigrammes en les garnissant d’agents
actuellement surnuméraires dans les fonctions support ou d’inspection,
essaimages si on le peut… ce qui aura pour effet de soulager les services où,
du fait des mêmes restrictions de postes, la surchauffe est réelle en termes de
masse et de temps de travail
§
compenser les importantes pertes de
rémunération subies par les administrateurs civils quand ils perdent leur
emploi fonctionnel
§
permettre en priorité aux
administrateurs civils d’occuper des postes leurs permettant de prétendre au grade
à accès fonctionnel d'administrateur général
§
refuser les situations durables
d’agents sans affectation
§
réguler les futurs recrutements et
promotions en fonction des projections d’emplois disponibles
2. Affirmer la place et les compétences de chacun par une politique de
ressources humaines transversale
Vu
les difficultés par lesquelles passent actuellement les services et leurs
agents, et de façon transitoire, installer au sein des deux ministères :
§
un rappel de la règle selon laquelle
50% minimum des emplois de sous-directeurs et chefs de service doivent être
réservés aux administrateurs civils
§
un pourcentage cible annuel de cadres
supérieurs venant d’un autre horizon que les métiers de la direction recruteuse,
afin de mixer et varier les profils de façon organisée, régulière, et uniforme
entre les directions
§
une présence équilibrée
d’administrateurs civils sur des postes « métier » dans l’ensemble
des directions générales et dans l’ensemble des métiers des services
déconcentrés D(R)EAL, DDT(M), DIR, DIRM (pour les services déconcentrés, cela
supposerait un ajustement des conditions indemnitaires pour que les
administrateurs civils aient intérêt aussi à occuper ces postes)
§
une rotation sur les emplois
fonctionnels des agents pouvant y prétendre, afin que la majorité puisse
occuper des postes de qualité et enrichir son parcours et ses chances de
promotions
§
une anticipation des pertes d’emplois
fonctionnels au bout de (au maximum) 2x3 ans en poste, notamment pour les
administrateurs civils qui y perdent une part significative de
traitement ; le cas échéant des « échanges » de cadres entre
deux postes dont le titulaire parvient au bout de sa durée d’emploi
§
le respect de cette règle de perte
d’emploi fonctionnel au bout de (au maximum) 2x3 ans en poste pour l’ensemble
des cadres occupant ces emplois en droit (par détachement sur l’emploi) ou de facto (les ministères Environnement –
Logement emploient couramment la notion de « faisant fonction de sous
directeur, de chef de service… » qui signifie que l’agent, parce qu’il ne
répond pas aux conditions légales (par exemple de durée minimum de fonctions
depuis l’entrée dans le corps) ou parce que sa rémunération baisserait (c’est
notamment les cas des ingénieurs généraux des ponts, des eaux et des forêts ou
des ingénieurs généraux des mines dont les indices sont plus élevés que ceux
des emplois fonctionnels), n’est pas détaché sur l’emploi fonctionnel mais en
occupe de facto le poste, l’emploi fonctionnel demeurant « vacant »)
§
des tandems « ingénieur » –
« administratif » pour diriger les entités
§
une préférence ou en tout cas un
rééquilibrage en faveur des administrateurs civils des ministères
Environnement-Logement sur les fonctions juridiques (aujourd’hui nombre de
cadres supérieurs de la direction des affaires juridiques (DAJ) proviennent des
tribunaux administratifs et y retournent, ce qui occasionne une perte de
compétences interne)
§
l’organisation entre ministères (et
autres entités accueillant des administrateurs civils) de parcours
d’enrichissement mutuel où l’aller et le retour seraient à peu près assurés
pour les agents
3.
Assurer une vraie connaissance des cadres
Les techniques existent ailleurs
et sont connues ; les ministères Environnement-Logement pourraient s’en
inspirer :
· système des Missions d’appui aux
personnes et aux structures (MAPS) du ministère de l’Agriculture
· CVThèque
· revues des cadres
· meilleure transparence du vivier
interministériel des cadres dirigeants
· comités d’audition
« pluri-regards » pour tous les emplois fonctionnels
· « chef de corps » - ou
une fonction qui en tienne lieu - des administrateurs civils
4.
Valoriser vraiment le management
Mettre
en place une procédure de repérage des compétences managériales de leur
encadrement supérieur : évaluations à 360° dont les résultats conditionneraient
l’accès aux postes d’encadrement ; utilisation réelle des évaluations
annuelles
Traiter
rapidement les situations managériales difficiles voire tendues de façon à
valoriser pleinement la qualité managériale de l’encadrement et en rappeler
fortement l’importance.
5. Valoriser et armer les
administrateurs civils des ministères Environnement-Logement
La
direction des ressources humaines et la délégation aux cadres dirigeants des
ministères Environnement-Logement pourraient travailler à valoriser et armer
les administrateurs civils des ministères Environnement-Logement en :
§
les aidant, par des contacts avec les
services, des conseils aux agents, des formations dédiées, à occuper 3-4
premiers postes dans des domaines et environnements variés, puis à choisir, le
cas échéant, un domaine de prédilection pour une spécialisation
§
les appuyant pour assurer une présence
équilibrée d’administrateurs civils sur des postes « métier » dans
l’ensemble des directions générales et dans l’ensemble des métiers des services
déconcentrés D(R)EAL, DDT(M), DIR, DIRM (pour ces derniers, avec un ajustement
des conditions indemnitaires s’il ne s’agit pas d’un poste de première partie
de carrière)
§
développant la politique souhaitée par
la direction des ressources humaines d’un essaimage (avec échanges,
aller-retour) dans les établissements publics relevant (notamment) des
ministères Environnement-Logement
§
réaffirmant qu’il s’agit de cadres de
haut niveau non pas « généralistes » mais « polyvalents »
et spécialement formés au management supérieur (y compris le pilotage d’équipes
pluridisciplinaires et pluri-compétences, qui est une des marques fortes des
ministères Environnement-Logement) : rappel aux directeurs recruteurs,
valorisation par une inscription d’administrateurs civils au vivier des cadres
dirigeants et une nomination d’administrateur(s) civil(s) comme directeur(s)
général(aux) des deux ministères
§
formant fortement, délibérément et
massivement ces administrateurs civils, si possible avec des formations
qualifiantes, pour leur donner une « étiquette », une « marque
de fabrique » y compris en interministériel voire à l’international :
·
dans les compétences liées au développement durable /
Stratégie nationale de la transition écologique / Loi transition énergétique et
économie verte / Démocratie environnementale, qui sont au cœur de la
prospective stratégique du ministère mais aussi au cœur des priorités
sociétales, économiques, juridiques du 21ème siècle
·
dans
les autres nouveaux métiers / métiers stratégiques liés à la réforme de la
comptabilité et gestion publique, au numérique, aux bâtiments et patrimoine, à
la recherche et au montage du financement des projets, à l’évaluation ex-ante
et ex-post des textes et politiques publics…
·
dans
les langues étrangères dont l’anglais langue de travail incontournable
·
dans
la connaissance générale des deux ministères (parcours de découverte notamment
en début de carrière).
OCTOBRE 2016